janvier 15

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Les Jokers de la dégustation – Partie 1

By Arthur Communal

janvier 15, 2021


La dégustation, c’est comme beaucoup de choses : c’est toujours plus difficile au début. 

Vous participez à quelques soirées vins et vous voyez les autres qui parlent des arômes et des cépages comme si c’était une évidence. 

Et vous, de votre côté, vous galérez. Dans cet article, vous découvrirez mes quatre cépages préférés pour commencer à déguster les vins blancs.

Les points cardinaux

Quand on commence à déguster, on est paumé. C’est pareil pour tout le monde. 

On se retrouve dans un océan de nouveaux termes, de nouvelles sensations, et sans savoir comment s’orienter là dedans.

Prendre des repères solides est fondamentale quand on débute

Le plus important, donc, c’est de trouver rapidement des repères. Acquérir des certitudes, des petits trucs auxquels on peut penser dans les moments où on galère en se disant : « ok, ça au moins je le sais/je sais le faire ». 

Un peu comme des jokers, en somme, ou des points cardinaux pour les plus explorateurs. Et si il est si important de se trouver vite ces repères, c’est pour garder la motivation. Sinon, on risque de lâcher l’affaire très vite. 

Pour éviter ça, il faut vous trouver des jokers vins. Et vu que je suis partisan de la dégustation via l’approche par les cépages, je vais vous donner… des jokers cépages. 

Trois petits points que je préfère aborder avant de commencer : 

  • Je me concentre aujourd’hui sur les vins que vous avez le plus de chance de déguster, donc des vins français ou en tout cas proche de la France, notamment en termes de climat. 
  • Je n’aborderai pas les profils des cépages que je vais aborder lorsqu’ils sont vinifiés dans des climats du nouveau monde. Tout simplement parce que ça peut les changer drastiquement. 
  • Je parle ici de reconnaître les cépages. Je parle donc forcément de dégustation et plus spécifiquement de dégustation à l’aveugle. Et généralement de vin monocépage. 

Et quand je parle de cet exercice, je préfère toujours faire un petit rappel. 

La dégustation à l’aveugle, c’est pas simple. Et c’est un doux euphémisme que de le dire. On peut se planter complètement sur un vin qu’on connaît pourtant très bien. Oui, c’est du vécu. 

Là où je veux en venir, c’est que la dégustation à l’aveugle, c’est TOUJOURS casse gueule. Et c’est un exercice qu’il faut toujours aborder avec humilité. 
Quand je dis “à coup sûr”, il est ÉVIDENT qu’il est possible de se planter. J’entends simplement par là que sur ces cépages “jokers”, on peut sérieusement espérer ne pas se planter 95% du temps.

Distinguer les cépages

Rappel très rapide sur ce qu’est un cépage. Ce mot désigne la variété de vigne cultivée. 

Chaque cépage à ses caractéristiques propres. Des terroirs de prédilection, une maturité plus ou moins précoce, mais surtout, des précurseurs d’arômes spécifiques. 

Petit point technique (rapide, promis) sur les précurseurs d’arôme. Quand vous goûtez un raisin, vous sentez… le raisin. Vous n’avez pas de goût de citron, de vanille, de tabac, ou autre. 

Pourtant quand on vinifie ce même raisin, on peut retrouver ces arômes dans le vin obtenu. Ils se sont développés pendant la vinification. Plus précisément pendant la fermentation alcoolique (pour la plupart). 

Les précurseurs d’arômes, ce sont les molécules présentes dans le raisin qui permettent de développer les arômes après vinification. 

Grappes rosé et noire de deux cépages différents
Deux grappes d’une même espèce, de cépages différents

Donc si chaque cépage comporte des précurseurs d’arômes spécifiques, les vins qui en sont issus possèderont des arômes spécifiques également. Et c’est sur ces arômes spécifiques que l’on va s’appuyer pendant la dégustation. 

Évidemment, les arômes ne sont pas uniques. Par exemple l’arôme de cassis peut être trouvé tant dans un vin issu de syrah que de cabernet sauvignon. 

Mais il en est quand même quelques uns qui sont assez spécifiques. Et c’est ceux-là – ainsi que les cépages qui leurs sont associés – qui nous intéressent.

Les cépages pédagogiques

Un cépage pédagogique, c’est un cépage qui possède des arômes très spécifiques. 

Mais en quoi ça nous intéresse? C’est simple. Si vous trouvez l’arôme en question dans un vin, vous pouvez affirmer qu’il est fait à partir de ce cépage. 

Attention, cependant. Il existe des milliers de cépages différents à travers le monde. 

Quand je dis que les arômes sont spécifiques à tel ou tel cépages, je me place dans le cadre des dégustations usuelles, celles que vous avez le plus de chance de rencontrer.

Partons donc en quête de ces cépages jokers qui vous aideront à coup sûr dans vos dégustations !

Le viognier

C’est le cépage blanc roi du nord de la vallée du Rhône, avec les appellations Condrieu et Château-Grillet. On le trouve aussi dans bon nombre de Côtes du Rhône blancs, le plus souvent en assemblage. 

Plant de raisin viognier
Viognier sur cep

Il côtoie alors le grenache blanc, le rolle, et la marsanne (entre autres). On peut quand même trouver des vins 100% viognier sur l’appellation, mais aussi plus au sud, dans le Languedoc. 

Voyons ensemble les caractéristiques qui en font un cépage pédagogique.

À l’œil

C’est le premier point qui pourra vous aider.

Le viognier, c’est intense. On est loin du jaune citron des blanc de Loire, par exemple.

Le viognier, c’est généralement un beau jaune d’or, plutôt intense. Ça fait des grosses larmes bien grasses sur le verre quand on agite. 

Verre de viognier
Couleur d’un viognier

Bref, le caractère rond du cépage est visible dès la première étape de la dégustation. Mais ça ne s’arrête pas là. 

Au nez

Le viognier, c’est un intense mélange de notes florales et fruitées. 

Pour les fruits, l’abricot domine souvent, accompagné de pêche jaune. Ce sont ces arômes qui vous aiguilleront sur le viognier lors de vos dégustations à l’aveugle.

Sur un vin issu de climat chaud comme le Languedoc, la Californie ou l’Australie, on aura souvent des arômes de fruits exotiques comme la mangue ou l’ananas, voire de melon. 

Dans un climat plus frais comme en Côtes du Rhône septentrionales, on sera plus sur de la pêche blanche et de la poire. 

Les notes florales sont également plus souvent présentes dans les climats frais. On peut alors trouver de la fleur d’acacia, de chèvrefeuille, voire de la violette. 

À noter que le viognier supporte très bien l’élevage en fût. S’ il est présent, il apportera des notes secondaires d’épices douces (muscade), de cire et de noisettes grillées. 

En bouche

On l’a déjà dit, le viognier, ça cogne un peu. On retrouvera donc un alcool bien présent en bouche, avec cette sensation de chaleur caractéristique. 

Pour l’acidité, c’est plus complexe. Parce que j’ai tendance à dire qu’elle est basse, c’est le profil du cépage. Mais d’un autre côté, c’est là tout l’enjeu des grands viogniers : garder une tension suffisante pour éviter que le vin soit lourd. 

Donc je le dis quand même : l’acidité est basse. Indiscutablement plus basse que dans les cépages que l’on va aborder dans la suite de cet article. Mais il ne faut pas penser qu’elle est systématiquement insuffisante pour autant.

Le niveau d’alcool et l’intensité des arômes fruités font des vins de viognier de parfaits exemples de blancs avec du corps. 

Le Sauvignon blanc

Grappe de Sauvignon Blanc
Sauvignon Blanc sur cep

Troisième cépage le plus planté en France, le sauvignon n’est doublé que par l’ugni blanc (principalement distillé) et le chardonnay. Et je n’évoquerai pas le chardonnay dans cet article parce que c’est tout sauf un cépage pédagogique, tant son spectre aromatique est large. 

Le sauvignon, vous le trouverez notamment en centre Loire, dans le Sancerrois par exemple. Il est aussi présent à Bordeaux, presque exclusivement en assemblage et dans le Sud-Ouest. A l’étranger, on le trouve un peu partout dans le Nouveau Monde : Nouvelle-Zélande, Chili, Afrique du Sud, USA, …

À l’œil

Verre de Sauvignon Blanc
Sauvignon Blanc de Loire

Le sauvignon est beaucoup moins concentré en couleur que le viognier qu’on a vu précédemment. Il donne des vins d’un jaune paille très clair, parfois teinté de reflets verts. 

D’un potentiel alcoolique moyen, il laissera des larmes plus fines sur les parois de votre verre, et elles descendront plus vite.

Au nez

De manière générale, le sauvignon donne des vins aux arômes assez subtils, moins intenses que le viognier (vous comprenez pourquoi j’ai commencé par lui?).

Ces vins sont dominés par des notes végétales de bourgeon de cassis, d’agrumes, d’herbe coupée, de groseille à maquereau. (pour le premier et le dernier, si vous ne connaissez pas, ça peut être utile de s’en procurer, c’est vraiment des arômes ultra-caractéristiques)

On peut également trouver dans les vignobles plus doux (dans le Nouveau Monde, en gros) des arômes plus chauds de fruits exotiques. On pensera notamment au fruit de la passion qui fait office d’arôme caractéristique aux USA et au melon miel. 

En bouche

Si le viognier se démarque par son alcool, le sauvignon est au contraire porté par une acidité bien marquée. Cette fraîcheur en bouche est d’ailleurs ce qui caractérise son profil gustatif. 

Niveau alcool, c’est généralement moyen. Évidemment on peut avoir des sauvignons plus gras mais ça reste l’exception plus que la règle. 

À noter que le sauvignon n’est presque jamais élevé en fût, pour éviter d’avoir un apport d’oxygène qui gâcherait les arômes frais et végétaux qu’on a évoqué plus haut.

Le Gewurztraminer

En voilà un beau cépage italien ! 

Non non, je ne me suis pas trompé, contrairement à ce qu’on pense souvent, le gewurztraminer est originaire du Tyrol italien, une région du Nord-Est du pays. Mais c’est bien en Alsace qu’il a trouvé son terroir de prédilection.

On en trouve quand même un peu partout en Europe (Moldavie, Italie, Ukraine, …) et dans le Nouveau Monde, principalement aux USA (Sonoma Valley et le vignoble côtier de Monterey notamment) et au Canada.

À l’œil

Dans les vignes, c’est facile de repérer un plant de gewurztraminer. Parce que même si c’est un cépage blanc, il ressemble à ça  :

Grappe de Gewurztraminer
Gewurztraminer sur cep. Un des rares cépages rosés usuels

Avec une telle couleur, on comprend aisément que le vin qui en est issu est assez soutenu en termes d’intensité. On aura généralement un beau jaune paille qui peut tirer sur l’or, notamment si on a affaire à un vin doux. Je me concentrerai majoritairement ici sur les vins secs.

(Je répète encore une fois que je parle de vins français ou à minima européens. Vous pouvez trouver des gewurztraminers américains – notamment en Oregon – qui sont d’une pâleur incroyable)

Il donne souvent des vins assez costauds en alcool, montrant des larmes épaisses et lentes. 

Au nez

Si vous savez que vous dégustez un gewurztraminer, un bon conseil : ne mettez pas directement le nez dans le verre. C’est un cocktail d’arômes très intenses, de ceux qui sautent au nez pour ne plus le lâcher. 

Verre de Gewurztraminer
Gewurztraminer sec d’Alsace

L’avantage, c’est qu’il est vraiment ultra-reconnaissable. Vous vous trouverez directement attrapé par des arômes de litchi, d’ananas surmûris et de pétales de rose. 

On peut aussi détecter des notes de fruits exotiques, d’épices comme la cannelle ou la muscade, et d’écorce d’orange. 

Pour les vins doux, c’est là encore un festival d’arômes avec du pain d’épice, des fruits confits (mangue notamment), des fruits secs (abricot et dattes). Sur les meilleurs, on trouvera des notes de cuir, de caramel et même de praliné. 

En bouche

Comme le viognier, le gewurztraminer a un fort potentiel en alcool, mais il a l’avantage d’un climat généralement frais qui lui confère une fraîcheur et une acidité bienvenue pour contrebalancer sa rondeur naturelle. 

Dans le Nouveau Monde, il peut être plus difficile d’avoir cette fraîcheur, et on risque parfois de tomber dans la lourdeur. 

Le critique étatsuniens Robert Parker a d’ailleurs déclaré (après avoir évoqué les gewurztraminers d’Alsace) :

“Si le seul gewurztraminer que vous avez goûté provenait de Californie, d’Oregon ou d’Allemagne, ce n’en était pas un, quoi qu’en disaient l’étiquette ou le vinificateur.”

Cocorico !

Le(s) Muscat(s)

Ok, je vous vois venir. Oui, je triche. Oui, des muscats, il y en a plusieurs. Mais d’un autre côté, on peut faire un profil globalement uniforme et utile pour vos dégustations. 

Le terme “muscat” comprend plus de cent cinquante cépages distincts qui présentent des arômes dits “muscatés”. Mais ici, on va se limiter aux trois que vous rencontrerez le plus souvent : le Muscat d’Alexandrie, le Muscat blanc à petits grains, et le Muscat ottonel. 

Grappe de Muscat
Grappe de Muscat d’Alexandrie

Les deux premiers sont très répandus dans le sud de la France, sur des appellations comme Muscat de Frontignan, Muscat du Cap Corse ou Muscat de Rivesaltes. Le muscat blanc à petit grains est également présent en Alsace avec le muscat ottonel où ils appartiennent aux cépages nobles de la région et produisent l’appellation Muscat d’Alsace.

Dans le sud, les muscats sont presque exclusivement vinifiés en vin doux naturel (VDN). Le processus consiste à ajouter de l’alcool au moût pendant la fermentation pour la stopper. On obtient ainsi un vin avec un bon niveau de sucre résiduel et un fort taux d’alcool. 

En Alsace, on produit à la fois des muscats secs et des doux. Dans le second cas, on peut procéder soit par sélection de grains nobles (raisins atteints de botrytis cinerea), soit en vendanges tardives. 

À l’œil

Le muscat donne des vins d’un beau jaune paille assez clair pour les secs et d’un or intense pour les doux. 

Verre de muscat vendanges tardives
L’or intense d’un muscat vendanges tardives (Alsace)

Dans le cas d’un VDN, d’une sélection de grains nobles ou de vendanges tardives, on aura des grosses larmes très grasses dues à la forte concentration en sucre. C’est d’autant plus vrai pour le VDN qui, en plus, possède une teneur en alcool bien supérieure, alourdissant encore les larmes.

Pour un muscat sec, on a aussi un bon potentiel alcoolique, donc des larmes assez grosses, comparables à celle d’un viognier, par exemple. 

Au nez

C’est là que tout se joue. Parce que les muscats, c’est rempli à ras bord d’arômes… muscatés. Bon, ok c’est un peu facile, mais ce qu’il faut retenir là dedans, c’est qu’on est allé jusqu’à inventer un adjectif dédié à ces arômes ! 

Si c’est pas le signe qu’ils sont spécifiques et caractéristiques, je sais pas ce qu’il vous faut !

Verre de muscat sec d'Alsace
Jaune paille d’un muscat sec d’Alsace

Pour commencer, le muscat, ça sent le raisin. Ca semble idiot, dit comme ça, mais réfléchissez un peu : quand vous mettez le nez sur un Sancerre, vous sentez du raisin, vous? Bah non. 

Le vin, généralement, ne sent pas le raisin. SAUF le muscat. Le muscat, ça sent le raisin, le raisin de table, bien frais et fruité (en sec) ou le raisin sec type raisin de Corinthe (en doux). Et c’est déjà un très gros indice que vous pouvez déceler au premier coup de nez. 

Le muscat, ça sent aussi la rose. En fait, les cépages muscats contiennent des molécules (les terpènes) semblables à ceux présents dans le bois de rose et le géranium (entre autres). Donc la sensation capiteuse quand vous reniflez ces fleurs, vous pouvez la retrouver dans les vins de muscat. 

Pour compléter les arômes végétaux, on trouve souvent des notes de de tilleul dans les muscats, surtout s’ ils sont plus légers en arômes (comprenez ici “notamment dans les muscats secs”). 

En bouche

Comme on l’a évoqué au-dessus, les muscats ont un bon potentiel alcoolique. On aura donc des vins amples, ronds, avec du volume. 

Pour l’acidité, on est un peu sur le même profil que le viognier, à savoir qu’elle est généralement basse. 

Mais, comme pour le viognier, la marque des grands producteurs de muscat est de parvenir à garder une acidité et une fraîcheur suffisante pour créer une harmonie parfaite avec l’alcool et le sucre qui font la force de ces cépages.

Rappel et conclusion

Je vais me répéter, mais je pense qu’il vaut mieux trop que pas assez. Pour paraphraser un célèbre chevalier un peu trop gourmand :  

En dégustation à l’aveugle, c’est pas que c’est difficile de ne pas se planter. C’est que c’est sa mère difficile de ne pas se planter, la race de sa grand-mère !

Ca n’empêche pas qu’il y a des repères, des jokers, que dis-je, des phares dans la tempêtes qui vous permettront de ne pas pédaler dans la semoule à CHAQUE fois. Parce que le plaisir de la dégustation, il est dans les arômes, dans les saveurs. 

Mais il est également dans la progression, dans la fierté de sentir son palais se développer, sa compréhension s’enrichir. Et dans l’extase de voir s’ouvrir devant soi, au fur et à mesure de ses expériences, l’incroyable diversité des vins que l’on a dégusté, et ceux que l’on dégustera encore. 

BonneS dégustationS !

Arthur

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Arthur Communal

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  1. Merci pour cet article dans lequel j'ai appris plein de chose. J'aime bien visiter les caves et déguster le vin à cette occasion, mais je n'ai aucune base pour en reconnaitre un seul! Enfin maintenant si , grace à l'article!
    (le muscat doux est un de mes préférés.)

  2. Bravo pour ton travail et ton partage. Tjs travailler ses repères qd on débute pour avoir du plaisir à découvrir et déguster. Par la suite avec plus aisance de partager.
    J aime aussi connaître les régions et les histoires des vignerons ou vignobles. Les petites anecdotes qui donnent des repères.😁 A bientôt

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