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Interview ASM : entre hip-hop groove et vin nature

By Arthur Communal

mai 2, 2022


L’EP Origin & Juice est sorti le 15 Avril dernier

Dans cette interview, je reçois ASM, groupe de hip hop « à l’ancienne » qui sort en ce moment un projet original qui mêle musique, cuisine et vin naturel. Je retrace avec eux l’origine de ce projet et la réflexion derrière lui. On parle de musique, de création, d’artisanat, et bien sûr de vin.

Vous trouverez l’interview en format audio, avec tout son lot d’anglais ainsi que la transcription texte dans laquelle j’ai essayé de traduire au mieux les thèmes abordés. Retrouvez les liens vers les épisodes de l’EP en bas d’article.

Donc aujourd’hui je suis avec le groupe ASM, A State of Mind, groupe de hip hop plutôt groove dans le style. On m’a proposé de vous interviewer parce que vous sortez un EP qui s’appelle Origin and Juice qui va être à la rencontre de hip hop, de vin naturel et de cuisine. (Vous pouvez trouver en fin d’article les liens vers les épisodes qui composent cet EP).

On a plusieurs épisodes, vous avez fait un petit tour d’Europe. J’ai vu la République Tchèque, Allemagne, Espagne, France, Grèce et Italie avec SLM de Costadilla.

Ce m’a vraiment plu quand on m’a proposé le sujet, c’est que j’aime bien les projets un peu barrés, un peu fucked up (c’est un compliment). Dans l’idée, on va faire rencontrer différentes formes d’art. La viniculture est pour moi à la limite de l’art et artisanat (c’est plus facile en français de faire le rapprochement entre l’art et l’artisanat puisque les mots sont proches, là où en anglais on aura plutôt tendance à parler de crafting avec une connotation très “pratique”).

Et là on a une rencontre entre la cuisine et le vin qui sont deux formes de créations un peu limite entre art et artisanat, avec la musique. Comment ça vous est venu, cette idée de faire se rencontrer ces univers?

Green : Je pense que la musique est aussi sur la limite. Il y a certains aspects de ce que nous on fait que je considère plus comme craftmanship. En terme d’écriture, par exemple, tu as certaines règles du vocabulaire, de structures de phrases, etc, qu’il faut respecter et c’est dans ces règles fixes que tu trouve ton propre chemin d’expression. Et je pense que pour les vignerons, c’est pas loin de ça en terme d’approche. Nous, on est des gros fans de vin nature, comme tu as dû le remarquer. Et on trouvait dès le début, quand on a commencer à découvrir tout ce monde des vins natures qu’il y a beaucoup de liens entre notre culture de hip hop indépendant et la culture du vin nature.

Image de l'épisode "Shank Em" d'ASM
Premier pays visité de l’EP, l’Italie

Pas juste dans les vignerons, mais aussi les cavistes, les distributeurs, les sommeliers. On s’est un peu retrouvé dans pas mal de gens qui travaillent dans ce milieu, dans le fait que c’est indépendant, un peu radical et une alternative au monde du vin conventionnel. Et on voulait faire plus de chose avec le vin. On a déjà fait pour une sortie avec ChineseMan Records en 2017, Color Wheel un single qui s’appelle grapes qui était un peu notre hymne, déclaration d’amour pour le vin nature.

Et pour la sortie de la 7 pouces, le vinyle 45 tours une bouteille en collaboration exclusive avec Théo Milan, un vigneron en Provence, qui est un très bon gars. Ca a été notre premier projet avec le vin, et ça bien marché, on a trouvé justement qu’il y a beaucoup de point commun avec les amateurs de vin nature qui ont pour beaucoup le même âge que nous. Du coup, ils ont grandi avec les même sons que nous et on a vu cette liaison culturelle. L’idée est venue de là, de juste se dire “qu’est-ce qu’on peut faire pour élever un peu plus le côté vin, vin nature surtout” et on est tombé sur cette idée. La recherche des bouteilles de vin, ça nous a rappelé la recherche de sample dans le hip hop, aller chez des disquaires, chercher des sons de jazz, de soul des années 60-70. On s’est dit que ça pouvait être cool de faire un projet où à chaque épisode on prend un morceau d’un pays européen et on fait un accord avec un vin nature d’un vigneron de ce pays et on cuisine un plat qui s’inspire du la cuisine de ce même pays.

Image de l'épisode "Dumplings" d'ASM
République Tchèque

Ca nous a semblé assez évident de faire comme ça. C’était aussi un bel exercice pour Rhino (le beatmaker) de travailler des sons, avoir un devis précis : trouver un sample de tel pays qui colle avec notre son. Et après pour FP et moi en terme d’écriture, essayer de trouver à chaque fois un lien, comme un jeu de mot avec le nom du plat et ce dont on parle dans le morceau.

Par exemple, le morceau sur la France s’appelle Pork Belly. Et c’est un jeu de mot avec les flics (en anglais, les policiers sont surnommés “pigs” dans la culture hip hop). Et on va raconter une histoire qu’on a vécu quand on était jeunes avec une voiture et des flics, etc.

Give a shnitz, le morceau pour L’Allemagne joue avec le plat qu’on cuisinait les schnitzels, mais on parlait pas de ça, on parle de grandir, vieillir et accorder moins d’importance sur l’opinion des gens (”giving a shit” = en avoir quelque chose à foutre), et des choses dont on se souciait plus jeune, en gros. Il y a beaucoup de trucs comme ça.

Et pour nous c’était vraiment un plaisir de travailler comme ça. Quand tu as des formats un peu précis, des règles du jeu, c’est là que ça commence à être drôle d’essayer de trouver des chemins dans ce format, dans ce contexte.

L’harmonie entre les trois éléments (musique, vin, cuisine), elle s’est faite en partant du vin ou ça s’est fait tout en même temps? Dans quel ordre est-ce que c’est arrivé, est-ce que le vin était la base?

Image de l'épisode "Tapass" d'ASM
L’Espagne

FP : La musique arrive naturellement pour nous, du coup on était en recherche pour le prochain album. Je pense que c’était plutôt notre amour pour le vin nature et sa diversité qui nous a inspirer de faire un album, un EP entier sur ça et faire des vidéos qui accompagne ça. Ca a permis de montrer notre musique au monde du vin nature qui ne nous connaissaient pas et pour notre base de fans qui ne connaissaient pas le vin nature de les introduire à cet autre monde.

Green : Dans le processus, pour chaque épisode, qu’est-ce qui est venu en premier? On a choisi les pays. Et en fonction des pays, je pense qu’on a commencé à penser au vigneron. Pays, vigneron, morceau et ensuite le plat et les paroles.

Je regardais un peu les plats associés à chaque pays pour chacun des épisodes. Comment vous avez trouvé les vignerons? Dans le vin nature, on sait qu’il y a un effet de réseau, on a souvent les vignerons nature qui se connaissent entre eux, voire même qui ont commencé à bossé les uns chez les autres, ce qui donne cette culture très spécifique – on va pas dire entre soi -, il y a un côté “club privé” du vin nature. Est-ce que c’est passé par un réseau comme ça pour trouver les vignerons? On a des vins qui sont quand même spécifiques, je regardais le vin allemand, on a un assemblage de portugais bleu / pinot noir pour le rosé, qui est pas forcément le plus répandu en Allemagne. Pour la République Tchèque pinot blanc / chardonnay qui sont pas non plus les cépages les plus répandus là-bas. Comment vous avez trouvé les vins ?

Logo du distributeur Vins Chez Nous
Le logo de Vins Chez Nous, qui collabore avec
le groupe sur le projet

Green : En fait on a fait le projet avec Vin Chez Nous, qui est un distributeur de vin nature dans le Sud-Ouest de la France. C’est un gars qui s’appelle Arnaud qui gère ça. Et l’idée c’était de travailler avec des vignerons dans son porte-folio mais c’était tous des vignerons qu’on connaissait et qu’on aimait déjà.

Et justement ce que tu dis, les Bran Brothers en Allemagne et le rosé qu’ils font avec les portugais bleu et pinot noir, on adorait déjà, on les avait en tête. Donc quand on les a vu dans le portefolio de Vin Chez Nous, on s’est dit qu’il fallait qu’on le fasse. Justement parce que c’est des petits trucs improbables, des collisions de cépages pas forcément évidents.

Milan Estarec, le vigneron tchèque dont tu parles, il est un peu connu pour ça, pour faire des combinaison de cépages un peu étonnants, un peu différents. On aime l’esprit, on a essayé de trouver des vignerons où on se retrouve dans leur façon de bosser, et des vins qu’on aime bien.

C’est vrai que dans le vin nature, le monde est petit, tout le monde se connait, et entre temps on a fait plusieurs événement de vin nature, on a rencontré pleins de vignerons. Et c’est vraiment cool de voir la résonance, parce qu’on a une grande partie des vignerons qui sont à fond dans ce qu’on fait et ça donnait des rencontres type

“Putain c’est génial ce que vous faites !
– Mais mec, j’adore tes vins !
– C’est marrant, c’est qui ces gars qui rappent sur nos vins ?
– Mais c’est dingue ces vignerons qui écoute nos sons !”

Et c’est vraiment super agréable !

Image de l'épisode "Efchristo" d'ASM
La Grèce

La relation entre vin et musique est globalement souvent passée par le rap. Il y a quelques années, on avait JayZ et la bouteille Crystal de Roederer, en champagne, avec le côté bling bling à fond. On avait même eu une gueguerre entre Roederer et JayZ quand le directeur commercial de la maison avait évoquait en interview que c’était simpa de voir les rappeurs US s’intéresser à leurs produits, mais pas plus (ça respirait pas l’enthousiasme) et JayZ l’avait super mal pris. Il s’était carrément associé avec une autre maison de champagne pour créer la cuvée Ace of Spades, maintenant LA cuvée emblématique des rappeurs US.

Je trouvais ça intéressant quand j’ai reçu le dossier sur votre projet d’avoir une association entre la culture rap et le vin sur quelque chose qui est authentique, sans le bling bling, pas sur une association de l’image. Avec en plus le côté association de plat, l’accord met-vin qui est un fondement dans le monde du vin, on se retrouve clairement devant un projet qui sent bon l’entre potes.

FP : Depuis qu’on fait de la musique ensemble, on essaie d’être authentique, on s’exprime comme on est, on a pas monté de personnage. Ca nous connecte un peu à la façon dont le vin nature est fait, ce goût particulier qui pour nous est “supérieur” parce que ça vient du cœur, que rien n’est caché. Tout ce que tu vois est dans la bouteille.

Image de l'épisode "Give a Schnitz" d'ASM
L’Allemagne

Green : Quand on a commencé la musique, au début des années 2000, on a été influencé par la culture hip hop de l’époque et à ce moment là il y avait vraiment deux camp différents : le rap indépendant “backpack” et le truc bling bling en boîte de nuit, très matérialiste. Maintenant, c’est assez différent, il y a moins ces deux camps séparés. Mais entre le vin nature et le vin conventionnel, il y a toujours ce truc de “de quel côté de la barrière tu es”. Et on est en phase avec ça, le côté “on est dans ce camp”, on se sent comme ça par rapport au vin et au rap. Comme FP dit, l’important, c’est l’honnêteté du vigneron, le cœur qu’il met dans son œuvre, pas une image qu’on donne.

Le vin nature, c’est quelque chose de très identitaire, quelque chose qui définie vraiment la façon dont tu veux faire partie du monde du vin, pour les producteurs.

Green : Exactement. Et le hip hop à l’époque était comme ça. C’était un truc culturel, le crave digging (la recherche de morceau en physique, chez les disquaires), le skateboard, c’était un style de vie alternatif, une culture à part.

FP : Oui, et les paroles avaient un sens. Tu pouvais apprendre des trucs en écoutant une chanson hip hop, que tu pouvais chercher pour comprendre les références à un livre, un film, une philosophie et j’ai l’impression que ça s’est perdu au fil du temps. Pas pour tout le rap, parce que ça revient un peu, certains rap redeviennent “intellectuels”, mais pendant longtemps, dans les 15 dernières années, le rap a tourné autour de l’égo, de l’image. Moins dans le contenu, plus dans l’apparence, ce que tu bois…

Image de l'épisode "Pork Belly" d'ASM
La France, épisode final de l’EP

Rhino : Et on voit dans le marketing indépendant dans le vin nature, on est dans ce truc de bouche à oreille, sans marketing agressif. On voit les gros acteur du vin qui ont une image qui ressemble aux gros rappeurs : le luxe, le prix, le bling bling, etc. Dans le vin naturel, c’est à l’opposé de ça et on voit un parallèle avec le mouvement hip hop originel. Genre tu connais ce son parce que quelqu’un t’a filé une cassette, c’est la même chose quand tu as essayé une bouteille que tu as kiffé et tu vas en parler la prochaine fois que tu vois tes potes. Tu vas passer les références de vin comme on passait les références de musique.

Green : C’est comme dans tout. Le vin c’est un produit qu’on boit, mais il faut un visuel pour communiquer l’esprit, il faut une étiquette, une police d’écriture qui donne le ton. Et nous il faut une pochette d’album, faire parfois des vidéos, et tout. Mais c’est la priorité dans notre façon de penser : le produit. C’est pas de tourner les choses de telle façon parce que ça va se vendre mieux, faire telle étiquette ou tel style vendeur. Le visuel représente l’esprit et le personnage qui est derrière le produit, c’est ça qui est important pour nous et qu’on retrouve dans le vin nature.

Les épisodes sur Youtube :

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