mars 29

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Le Joyau de Vérone

By Arthur Communal

mars 29, 2020


Cet article participe à l’événement interblogueurs “L’Italie : ce que j’aime de ce pays c’est…” organisé par le blog plaisir d’apprendre l’italien. J’apprécie beaucoup ce blog, et en particulier cet article qui nous partage quelques bons vins du pays pour découvrir toute sa richesse. Vous pouvez retrouver l’ensemble des articles participants à cet événement JUSTE ICI.

 “Ô pour elle les torches redoublent leur éclat !

Elle est comme un joyau sur la joue de la nuit

Un brillant à l’oreille d’une Ethiopienne ;

Beauté trop riche pour qu’on en jouisse, trop chère pour la terre.”

Et bim ! Caler du Shakespeare dans un article sur le vin? Check !

Le mieux dans tout ça, c’est que c’est totalement justifié, puisque je vais vous parler aujourd’hui de Vérone. Qui a eu la chanson de la comédie musicale Roméo & Juliette dans la tête? De rien et ne vous plaignez pas, moi ça fait quinze jours qu’elle tourne !

La Vénétie, c’est quand même plutôt un chouette coin. Si si, je vous jure, tapez “Lac de Garde” sur Google et voyez par vous même : ça a de la gueule. 

D’ailleurs, l’Italie en général peut se vanter d’avoir de sacrés paysages dans son portfolio !

Paysage d’Italie

Malheureusement, les voyages ce n’est pas mon domaine. D’ailleurs je n’ai jamais visité l’Italie. Oui, je sais, vu le thème de l’article, ça la fout mal. Pourtant, j’ai eu l’occasion de découvrir le pays… autrement. 

L’eternel rival transalpin

La France et l’Italie, ça a toujours été une grande histoire d’amour tout en voulant être meilleure que sa voisine. J’ai encore en tête la lettre de Voltaire à Deodati de Tovazzi, un auteur italien du XVIII° siècle. 

Ce dernier ayant écrit et publié une “Dissertation sur l’excellence de la langue italienne” (dans laquelle la langue de Molière prend cher, on va pas se mentir), notre cher François-Marie lui avait globalement répondu d’arrêter de se la péter et que le français était pas mal non plus. 

Du coup, c’est tout naturellement que les deux pays ont transposé leur rivalité dans le monde du vin. 

Bon, le souci, c’est qu’ici je pars avec un sacré handicap : je parle – à priori –  à des Français. Et si il y a bien UN DÉFAUT qu’ont les Français quand on parle de vin, c’est le chauvinisme

Attention, je ne parle pas du chauvinisme gentil et patriote genre : “Ouais m’enfin je préfère quand même un bon Bordeaux…”.

Nooooooon ! Là on parle du chauvinisme profond et inébranlable, tellement ancré que le Français ne se rend même pas compte que c’est du chauvinisme. 

Quand j’évoque l’idée de parler de vins étrangers dans mes articles, d’en faire goûter à mes amis ou ma famille, j’ai souvent (pas toujours bien heureusement) le même type de réponse : “Roh, ça va, on a quand même ce qu’il faut en France, pour ne pas aller prendre des vins étrangers…”

Oui, sous prétexte qu’on fait du très bon vin en France, il faudrait totalement ignorer ceux produits dans le reste du monde

Entendons-nous bien : je suis très fier du vin français, du savoir faire des producteurs de notre pays. J’en connais un certains nombre personnellement et c’est avec un grand plaisir que je continue de découvrir aussi régulièrement que possible de nouveaux. 

Mais ça ne m’empêche pas d’être tout aussi enthousiaste quant aux productions étrangères et de vouloir découvrir les vins du monde entier. 

J’adore l’Italie !

Voilà, vous l’avez compris, j’adore le vin italien. Merci d’avoir lu cet article, j’espère qu’il vous a plu…. Non je déconne. On va pas s’arrêter à ça quand même  ! 

J’ai dégusté mon premier vin Italien en 2016. C’était un Barbaresco Riserva de 2009 de chez Giuseppe Negro. Puissant, tannique, structuré, mais d’un équilibre incroyable. 

Bon, à l’époque, tout ce que j’en disais, c’est qu’il était très bon. C’est ce vin qui m’a fait apprécier le Nebbiolo, ce cépage pourtant si capricieux… 

À mesure que le temps passait et que mon expérience du vin grandissait, j’ai eu l’occasion de goûter de nombreuses autres bouteilles venant de toute l’Italie. Des Chianti toscans aux Barolos du Piémont. 

J’ai eu un petit coup de coeur pendant un moment pour le Nero d’Avola, un cépage sicilien qui ressemble beaucoup à la Syrah des vins de chez moi, en vallée du Rhône Nord. 

Le premier vin rouge pétillant que j’ai bu de ma vie était un Lambrusco Ariola Marcello (je ne me souviens plus du tout du millésime). 

Bref, j’aime beaucoup les vins italiens de manière générale, et j’aime surtout les découvrir. 

Mais ce que je préfère en Italie…

J’ai mon chouchou. Et ce n’est pas un hasard si j’évoquais Vérone en début d’article puisque c’est un vin vénète dont je parle ici : l’Amarone della Valpolicella

Le valpolicella (seul) est un vin produit dans la province de Vérone, entre la ville et le lac de Garde, dans un terroir de collines et de piémonts magnifiques. 

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Il est en gros issu de trois cépages : 

  • Le Corvina  qui tire son nom du corbeau. Il présente en effet une couleur noire intense. C’est le cépage ultra majoritaire dans les vins de valpolicella, mais il peut être remplacé à moitié par le Corvinone, souvent considéré à tort comme la même variété. 
  • La Rondinella (hirondelle), ainsi nommée à cause de la forme allongée de ses feuilles qui rappellent la queue de ces oiseaux.
  • La Molinara, dont la baie semble couverte d’une fine couche de farine, d’où son nom (moulin) est également un cépage autorisé mais il reste très minoritaire (notamment au profit du Corvinone). 

Ces quatre cépages sont relativement plutôt tardifs dans leur maturité, ce qui tombe plutôt bien dans une région avec un ensoleillement aussi important. 

Le valpolicella est un vin sec plutôt léger, qui tourne généralement autour des 12% d’alcool. Il a une belle acidité et des tanins discrets. 

Pour donner une idée aux habitués des vins français, son profil se rapproche de celui d’un joli cru de gamay en Beaujolais type Saint-Amour ou Juliénas. 

Pas de quoi en faire tout un plat, me direz-vous? Oui, oui, je sais, le Beaujolais n’a pas la côte en France. C’est bien malheureux d’ailleurs, vu la renaissance du vignoble, mais j’y consacrerai un article à part entière… 

Mais si j’aime autant la Valpolicella, c’est pour autre chose. C’est parce qu’elle a donné naissance à un autre vin, que dis-je, un chef d’oeuvre… 

Amarone mon amour

J’ai dégusté pas mal de vins depuis quelques années. Chez moi pour le plaisir, en salon pour découvrir et même dans mon travail pour constituer ou affiner une carte des vins. 

Je vis dans une grande région de vins rouge, le Nord de la Vallée du Rhône. Crozes-hermitage, Saint-Joseph, Cornas, Côte-Rôtie, Ermitage… 

J’ai l’habitude des vins puissants et équilibrés avec des tanins soutenus. Mais aucun qui ne m’ait autant marqué autant que l’Amarone della Valpolicella. 

A quoi ça ressemble

À l’oeil, on a un beau rouge grenat intense et profond. Des larmes épaisses tapissent le verre, premier signe de la richesse du vin. 

Vous plongez le nez dans le verre et déjà des arômes francs de fruits et d’épices vous emplissent les narines. On y trouve des cerises à l’eau de vie, des noyaux, du poivre noir, du cuir et de la réglisse, le tout plein d’intensité. 

Vient enfin la bouche. Une attaque intense, qui vous emplit la bouche d’une joue à l’autre. Le vin est très structuré, il chauffe la langue sans lourdeur. Le plus beau, pour moi, reste cette texture douce et soyeuse ;  on a l’impression de boire un jus d’abricot. 

Côté arômes, on retrouve ceux du nez bien sûr, mais ils sont enrichis de pruneau cuits, de marasquin, voire de chocolat noir. Des notes d’amande se révèleront aux palais les plus délicats. 

Fruit d’un processus exceptionnel

“Attends, il nous a pas dit que le Valpolicella était un vin léger? Et là il nous parle de tanins et de puissance?”

Eh oui ! Et pourtant ce sont bien les mêmes raisins qui sont utilisés. Mais comment, à partir de raisins donnant naturellement des vins légers, peut-on obtenir un tel concentré d’arômes? 

Pour un vin rouge classique, on récolte les raisins que l’on foule avant de laisser le moût (jus) macérer avec les peaux , ainsi que les pépins et parfois les rafles (tiges). C’est cette macération qui permet au jus d’extraire des parties solides à la fois les tanins et les pigments colorants qui lui donneront sa robe et son caractère. 

Pour l’amarone, c’est à peu près la même chose, sauf que l’on ajoute une toute petite étape. Après la récolte méticuleuse des raisins, les baies en parfait état sont entreposées sur des plateaux de bois dans une pièce bien aérée appelée fruitier. 

Avant le passerillage

Et on les laisse un moment. Disons trois ou quatre mois. Au terme de cette étape appelée appassimento (passerillage en français), le raisin a perdu 30 à 35% de son poids en eau. 

Après le passerillage

Et qui dit moins d’eau dit concentration augmentée en… bah en tout en fait. En tanins évidemment, mais aussi en couleur et surtout en sucres. 

À ce moment-là on reprend un processus de vinification assez classique suivi d’un élevage en fûts de chêne pour au moins deux ans (le plus souvent trois ou quatre) avant d’être mis en bouteille. 

Le fait de vinifier des raisins aussi concentrés permet plusieurs choses : 

  • Avoir des tanins bien plus marqués que dans un valpolicella classique, Le passage en fût de chêne tendra à les assouplir. 
  • La concentration en sucres produira un vin très fort en alcool (souvent autour de 15-16%). Cet alcool vient alors limiter l’astringence des tanins. 
  • Le troisième pilier de l’équilibre des vins rouges, l’acidité, vient quand à elle tout simplement des raisins. En effet, sur les quatres cépages principaux de l’Amarone, trois (Corvina, Corvinone et Molinara) sont réputés pour leur forte teneur en acidité. 

Avec l’Amarone, la valpolicella gagne le pari de produire un vin à la fois très complexe, très concentré et d’un équilibre incomparable. Il reste tout de même une question fondamentale pour vous qui suivez mes contenus… 

Comment accorder l’Amarone

On peut accompagner pas mal de chose avec un amarone. Voilà donc quelques bons accords, avant de vous donner mon préféré : 

  • Une belle pièce de gibier. Du chevreuil, du sanglier, voire même des gibiers à plumes type faisan. Pour ça, privilégiez un amarone bien costaud, au moins à 15,5%. 
  • Un risotto au gorgonzola. L’onctuosité du vin fera la part belle à la texture crémeuse du risotto et le gorgonzola s’accordera parfaitement avec la puissance du vin. 
  • Une côte de boeuf au grill. Bah oui, c’est basique, mais c’est sacrément bon !
  • Des lasagnes bolognaises. Pareil, c’est ultra simple et on est presque sur un accord régional. 
  • Allez un dernier un peu exotique avant de vous donner mon préféré : un tajine d’agneau au pruneau. Si la viande est assez puissante, vous aurez un cocktail de malade en bouche, vraiment ! 

Voilà cinq très bons accord pour l’amarone. Mais pour être honnête, ce que j’aime avec ce vin, c’est qu’il se suffit à lui-même. C’est ce qu’on appelle un vin de méditation. 

C’est un terme un peu pompeux pour expliquer qu’on peut tout à fait le boire tel quel au coin du feu sans passer pour un pochtron. C’est comme ça que je le préfère en tout cas…

Un vrai joyau

L’amarone est un vrai bijou, une perle de viticulture, comme j’aime appeler ces vins qui me marquent. Et le mieux, c’est qu’il a toute une famille avec lui pour vous faire découvrir son petit coin de paradis. 

On a ainsi : 

  • Le Valpolicella, vin classique de la région. 
  • Le Recioto : même principe que l’amarone, sauf que la fermentation est stoppée avant que tout le sucre ne soit transformé en alcool. Il s’agit donc d’un vin doux, d’une grande finesse.
  • Le Ripasso : vous prenez un valpolicella et vous le laisser un moment macérer avec les lies d’un amarone. On peut dire que c’est un entre deux, plus abordable. 

La province de Vérone offre donc un panel de vins exceptionnels, d’une richesse aromatique et structurelle incroyable. L’amarone en est pour moi le fleuron, le plus digne représentant et le plus bel exemple. 

Il est l’un de mes meilleurs alliés lorsque je tente d’inciter les gens à découvrir les vins étrangers. Alors laissez vous tenter, cherchez un peu et s’il vous arrive de visiter Vérone et flâner vers le Lac de Garde, prenez donc le temps de découvrir l’un ou l’autre des domaine de la Valpolicella, “la vallée aux nombreuses caves”, et de goûter ces nectars. 

C’est pour moi un peu de paradis en bouteille, et ce que je préfère en Italie…

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Arthur Communal

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  1. Ton article (et ton blog en général) est une petite merveille ! Par le choix des mots, des images, tu nous fais voyager !
    On sent que tu es un vrai amoureux des bonnes choses… La passion du vin et du voyage sont pas si éloignées !
    Merci à toi

  2. Cet article est magnifique sur le fond et sur la forme. C’est grâce au carnaval d’articles sur l’Italie auquel j’ai également participé, que je viens de découvrir ton blog, je suis bien contente de l’avoir fait !

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