mars 18

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Parler de vin, comme un pro

By Arthur Communal

mars 18, 2022

Parler de vin, saveurs, Vocabulaire

“C’est une galère, Arthur ! Mes clients savent pas me dire ce qu’ils aiment…

C’est un pote caviste qui m’a lâché ça il y a quelques semaines, alors qu’on discutait pinard autour d’un petit Languedoc blanc. J’ai fini ma gorgée en fronçant les sourcils, j’ai hésité deux secondes, histoire de trouver une formulation un poil diplomate.

« Et du coup, tu leur apprends?

Il m’a regardé bizarre, et a fini par soupirer avant de changer de sujet. Et ce jour-là, j’ai payé mon verre (c’est pas forcément habituel…). Bah oui, mais en même temps…

Dans cet article, on va voir pas à pas comment parler de vin, avec des mots utilisables avec des novices comme des professionnels. Comme ça si vous allez voir mon pote Joss, il arrêtera de râler ! (mais je t’aime, copain ! )

Choisir son approche pour parler de vin

Le truc qui est génial avec le vin, c’est que chacun en a sa propre perception. Mais le problème avec le vin, c’est que chacun en a sa propre perception.

Bah oui, forcément, ça peut paraître compliqué de parler de la même chose quand on ne la ressent pas de la même façon. Pourtant, c’est possible. Mais pour ça, il faut être un peu méthodique dans l’approche.

Dans le monde du vin, et plus spécifiquement, dans celui de la dégustation, il y a plusieurs méthode pour appréhender un vin. Mais depuis des années, il y en a une qui s’est imposée au niveau internationale chez les professionnels : l’approche systématique.

Logo du WSET
Le logo du WSET, référence internationale

C’est elle qui est utilisée pour passer les certifications WSET, c’est aussi elle qui est la plus utilisée dans les dégustations professionnelles, comme les concours de vins. Et c’est sur cette méthode que je vais me baser dans cet article.

Je veux être clair : ce n’est pas la seule approche. Et ce n’est pas la “meilleure” non plus. Selon moi, la méthode idéale dépend de l’objectif visé. Dans une dégustation à but purement professionnel, je vais plutôt suivre l’approche systématique. Dans un cadre plus détente, avec des amis ou des clients, j’aime bien faire une dégustation géo-sensorielle, qui va faire travailler les émotions.

Ici, on parle d’avoir une image claire et objective du vin, donc je choisis la première. Bon et si en plus on veut pouvoir parler à son caviste, il faut bien admettre qu’ils sont nombreux aujourd’hui à être titulaire d’un ou plusieurs niveau de WSET. Donc au moins vous parlerez le même langage !

Limiter les critères

Maintenant qu’on a déterminé la langue qu’on va utiliser, il est temps de savoir de quoi on va parler.

De vin.

Merci, Sherlock. Oui, de vin, mais le vin c’est large. Genre, vraiment large. On peut parler de couleur, d’intensité visuelle, de gras, d’arômes, de texture, de saveurs, de longueur, de sol, d’exposition, de conduite, de type d’exploitation, de… bref, tu as l’idée. On a besoin de restreindre un peu le champ.

La méthode systématique limite déjà un peu l’angle d’approche. Globalement, on laisse un peu de côté tout ce qui est terroir (sol, climat, conduite). Non pas que ce soit des critères absents dans cette méthode, mais on ne commence à les évaluer qu’à partir d’un certain niveau.

On prend aussi assez peu en compte la texture. Ca c’est un des points que j’aime le moins dans cette méthode, parce que c’est un critère assez instinctif, relativement facile à prendre en compte par les débutants. Mais il faut quand même un minimum d’entraînement, donc allez, on zappe !

Il nous reste, grosso modo, le visuel, les arômes, les saveurs, longueur. Et même si la couleur et l’éclat d’un vin font partie du plaisir de la dégustation, c’est pas LE truc primordial quand on cherche à parler de ce qu’on aime dans le vin.

On a donc – et je sais que ça limite énormément l’appréciation du vin, mais c’est le but – 3 critères :

  • Les arômes
  • Les saveurs
  • La longueur

Ce sont les 3 critères fondamentaux sur lesquels on s’appuie dans la méthode systématique. Et c’est de ces 3 là qu’on va parler ici.

Les arômes, c’est surfait !

Ok, là je m’éloigne carrément de l’approche systématique. Ceux qui ont passé au moins une certification WSET pourront vous le dire : les arômes, c’est la clef de voûte de la méthode.

Au point que pour optimiser les notes sur les épreuves de dégustation à l’aveugle, le mieux à faire est de balancer tous les noms d’arômes qui ressemblent de près ou de loin à ce que vous sentez (c’est pas une blague, vous pouvez balancer 15 arômes, ça augmente vos chances d’avoir une bonne note…)

Coffret Le Nez du Vin de Jean Lenoir
Les coffrets d’arômes comme le Nez du vin ont beaucoup
popularisé l’approche par les arômes

Sauf que quand vous parlez à un professionnel – type caviste – balancer une douzaine d’arômes différents, c’est le meilleur moyen pour le paumer et être sûr de pas avoir un truc qui vous plaît au final. Et même dans une conversation entre amateurs, l’intérêt est limité.

Sérieusement, imaginez qu’on vous parle d’un vin comme ça :

“C’est un blanc très intense avec des arômes de pomme verte, poire, coing, prune jaune, agrumes, citron, orange, abricot, mangue, pêche blanche, brioche, beurre, crème, noisette, amande, chèvrefeuille, acacia et lilas.”

Vous l’avez? Bah non. Et c’est normal. Parce qu’une description comme celle-ci n’a aucun foutu sens. Pourtant, c’est comme ça qu’on gagne des points au WSET. Pas fou…

Si vous voulez être compris, il faut suivre la maxime minimaliste : Less is More. On réduit un peu le nombre d’arômes évoqués, ça ira bien. Et si vous n’êtes pas formel sur ce que vous sentez? Alors faites preuve de retenue et montez d’un niveau, vers le familles d’arômes.

Soyez clair, soyez sûr. Parlez de fruits jaune plutôt que de “pêche blanche, abricot, pêche jaune”, de fruits rouge plutôt que de “fraise, framboise, groseille”, de notes lactées plutôt que de “brioche, crème, beurre”. Il sera bien temps de préciser plus tard.

Pourquoi je passe aussi rapidement sur les arômes?

C’est simple : les molécules responsables des arômes ont beau être les même pour tout le monde, le seuil de perception de ces molécules -la concentration minimale pour détecter l’odeur qui leur est associée – dépend des personnes.

Et ça va même plus loin : la perception de chaque arôme peut être différente d’un individu à l’autre. Par exemple, le fameux arôme de pétrole dans le riesling… bah j’ai un pote qui le sens comme un citron séché.

Pour ce qui est de la longueur, c’est un peu la même chose. Attention, je dis pas que ça n’est pas important quand on déguste, c’est même primordial. Mais c’est un critère qui concerne les arômes, donc je vais éviter de l’aborder ici. D’autant qu’elle mérite largement un article rien qu’à elle. Ça viendra, promis !

Donc oui, les arômes c’est un critère important, mais il faut en parler avec précaution, sans en faire trop et éviter de se baser uniquement sur eux. Voilà qui nous amène aux critères suivants…

Les saveurs

Quand on débute en dégustation, on a souvent tendance à confondre arôme et saveur. Pourtant la différence est assez simple : les arômes sont perçus par les capteurs du nez, les saveurs sont captées par ceux de la bouche, c’est à dire les papilles gustatives.

Mais si, vous savez, cette fameuse “carte des papilles” qu’on a tous vu au moins une fois. Le sucré sur le bout de la langue, l’acide et et le salé sur les côtés, etc. Bon, en fait ça fait un moment qu’on sait que c’est n’importe quoi. Mais on la voit encore partout…

Les saveurs primaires

L’avantage si vous avez ça en tête, c’est que vous retrouverez sans doute plus facilement les saveurs primaires, à savoir : acide, salé, amer, sucré et umami. Les quatre premières sont généralement connues. L’umami, c’est plus rare (sauf par les cuisiniers et les gourmets).

Infographie présentant les 5 saveurs primaires, très utiles pour parler de vin
Les saveurs primaires et leurs molécules caractéristiques

Pour faire simple, c’est une saveur caractéristique des aliments riches en protéines et glutamate. On la trouve dans les huîtres, les tomates séchées, les algues, les tomates (quand elles sont très mûres, surtout). Petite techniques que j’utilise avec mes clients pour cerner l’umami : prenez deux morceaux de champignon de paris cru, passez-en un au micro-ondes et goûtez les deux tour à tour. La chaleur fait ressortir l’umami.

Bon, après il faut bien dire que quand on parle dégustation, l’umami on s’en fout un peu. Pourquoi? Simplement parce que c’est une saveur qui n’existe pas dans le vin. Mais c’est intéressant de la connaître, notamment quand on commence à travailler ses accords mets-vins, parce que c’est vraiment un élément à prendre en compte dans ce cas là.

Bon, ok, mais en quoi les saveurs sont des meilleurs critères que les arômes? Parce que finalement, on a aussi des différences de sensibilité aux saveurs, non?

Oui, mais…

On a effectivement des différences de sensibilité. Ca fait notamment intervenir la notion de seuil de perception dont on a déjà parlé. En revanche, l’avantage des saveurs, c’est qu’on les ressent tous de la même manière. Ou plutôt, on y réagit de la même façon.

On va donc pouvoir détecter chacune de ces saveurs assez facilement et sans risque de se tromper.

L’acidité

Tous les vins acides, mais tous ne le sont pas au même degré. C’est pour ça qu’on va avoir des différences de sensations entre un vin très vif, comme par exemple un sauvignon de Loire ou un Muscadet et un autre plus rond comme par exemple un viognier du Languedoc.

Pour détecter le niveau d’acidité, goûtez le vin et soyez attentif après avoir recraché (ou avalé, mais je vais rester dans le cadre d’une dégustation) la gorgée.

Citrons vert
Le citron vert est sans doute l’aliment le plus simple pour
apprendre à détecter l’acidité

Le marqueur de l’acidité, c’est cette salivation très fluide, très liquide qui va arriver pendant encore quelques secondes après que le vin soit parti. On a la sensation que les glandes salivaires essaient de rincer la bouche de cette acidité.

Mais avant même de percevoir cette salivation, vous pouvez avoir une sensation de fraîcheur et de « piquant » quand vous avez encore le vin en bouche. C’est sur ces deux sensations que vous devez vous basez pour évaluer le niveau d’acidité d’un vin.

Vous allez me dire : « Est-ce qu’on a vraiment besoin de ça pour savoir si un vin est acide? Ça se sent facilement sur la langue, non? ».

Si le vin n’était qu’acide, je pourrais vous dire oui. Mais ce n’est pas le cas…

Le sucre

Ok, là on ne parle que d’une petite fraction des vins, mais c’est important d’aborder le sujet du sucre juste après l’acidité, vous allez vite comprendre pourquoi. Contrairement à l’acidité qui est universelle, le sucre n’est présent quand dans certains vins. On peut bien sûr penser aux vins doux, aux moelleux, aux liquoreux, dans lesquels il est assez flagrant.

Mais on en a aussi dans pas mal de pétillant, tout ce qui n’est pas extra brut ou brut nature, en fait (et encore, il y a une tolérance respectivement de 6 et 3 grammes). On peut d’ailleurs remercier la classification des champagnes pour le meilleur piège pour les dégustateurs novices : un champagne sec contient entre 17 et 32 grammes de sucre par litre, ce qui largement suffisant pour le trouver en bouche.

Cuillère de miel
Pour le sucré, utilisez du miel, plus semblable aux sucres
du vin plutôt qu’un sucre raffiné

Au niveau de la bouche, le sucre va provoquer, tout comme l’acidité, une salivation abondante. Mais là où on avait une sensation de salivation très fluide avec l’acidité, on va plutôt avoir celle d’une salivation grasse, épaisse quand on goûte un vin sucré. Pour le reste, le sucre va tapisser la paroi de la bouche et apporter une sensation de douceur, voire de légère chaleur. Tout l’inverse de l’acidité, donc. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard…

Le sucré et l’acide sont des saveurs complémentaires, c’est à dire qu’elles s’équilibre l’une l’autre, et pas qu’en dégustation. Imaginons que vous prépariez un millefeuille et que vous avez trop sucré votre crème pâtissière. Une astuce de pâtissier : versez dans votre crème quelques gouttes de vinaigre blanc (c’est le plus neutre) et le tour est joué ! Votre crème a retrouvé de la légèreté.

En vin c’est pareil : une grande quantité de sucre peut masquer l’acidité, et inversement. Il est assez dur pour notre langue de détecter les deux saveurs en même temps. C’est d’ailleurs souvent ce qui va faire la différence entre un grand vin liquoreux ( type grands domaines de Sauternes ou grand Riesling allemand) et un vin doux bas de gamme qui sera lourd et manquera d’équilibre.

L’alcool

Alors là, je triche un peu. Parce que l’alcool ne fait bien sûr pas partie des saveurs qu’on a évoqué plus tôt.

C’est vrai.

Mais d’un autre côté, c’est un élément fondamental dans la dégustation, donc je peux difficilement ne pas en parler. Et de toute façon, c’est mon article… La sensation d’alcool donc. Bah, finalement, c’est assez simple.

Quand j’étais gosse, ma mère (infirmière) désinfectait tous les soirs ses instruments à la maison. Elle prenait un petit bac de métal et versait de l’alcool sur ses ciseaux, clamps, etc. et après elle y foutait le feu. Alors déjà je trouvait ça classe. Mais en plus, j’ai ancré dans ma mémoire cette odeur d’alcool et la sensation dans le nez.

Bouteille de vodka
Sans doute l’alcool le plus « pur » dans son goût (pas la marque, hein)

Alors, ok, vous avez peut-être jamais désinfecté des outils à l’alcool. Mais peut-être que vous avez déjà eu sous la main une bouteille d’alcool à brûler. Si vous avez déjà mis le nez dessus, ça sera assez facile pour vous de voir de quoi je parle. Sinon, faites pareil avec une bouteille de vodka. Pour la différence que ça fait avec l’alcool à brûler…

On pourrait croire que je suis dur avec la vodka, mais dites-vous bien qu’à la base, c’est le principe même de la boisson : avoir un goût d’alcool le plus pur possible. C’est d’ailleurs pour ça qu’on peut faire de la vodka en distillant… bah à peu près n’importe quoi, tant qu’il y a du sucre sous une forme ou une autre. Patate, herbes, céréales, fruits, betteraves… ça marche avec TOUT !

Alors voilà à quoi s’accrocher pour évaluer l’alcool d’un vin. Cette brûlure un peu âcre, cette sensation de chaleur un peu piquante et cette impression de volume en bouche. Ca se rapproche d’ailleurs de la sensation liée au sucre, en plus… puissant. L’alcool, c’est ça.

L’astringence

Un poil plus complexe à aborder, celle-là. Parce que c’est pas non plus une saveur, même si on la rapproche souvent de l’amertume. Sauf que ce sont deux choses différentes.

Pomme grenade
La grenade, riche en astringence

L’amertume, c’est une saveur. Détectée par les papilles gustatives (entre autres), c’est ce qu’on sent dans le chocolat noir, l’endive, la quinine (pour les amateurs de Martini) ou la bière (où elle vient du houblon).

L’astringence, c’est une sensation bio-mécanique. C’est à dire que c’est une réaction du corps humain à la consommation d’un certain produit. Et dans le cas du vin, le produit en question, c’est les tannins.

D’ailleurs, vu que les tanins sont globalement issus des peaux et des rafles, on ne les trouve que dans les vins pour lesquels les raisins macèrent en début de vinification. Donc rouges, rosés (surtout les macérations longues) et vins oranges.

Prunelle sauvage
La prunelle, mon arme secrète pour faire goûter l’astringence

Et pour détecter l’astringence, c’est assez simple. Là où l’acidité et le sucre provoquent une salivation abondante, l’astringence la stoppe net. On a une sensation de rugosité entre la langue et le palais, de sécheresse.

Et ça prend toute la bouche ! Je conseille souvent à mes clients de se concentrer sur le côté de la bouche pour sentir les tannins, sur la zone de contact entre les gencives et l’intérieur de la joue. C’est là que l’astringence est la plus facile à détecter.

Comment qu’on dit?

Bah oui, c’est bien beau de savoir tout ça, mais est-ce que vous avez déjà croisé une personne qui décrit un vin (dans la vie de tous les jours) en disant :

“Il a une acidité forte et une astringence faible avec un alcool haut.”

Non. Parce que bien évidemment, il y a tout un vocabulaire correspondant à ces descriptions. Je vais pas charger la mule en vous balançant 40 mots pour décrire toutes les nuances, mais simplement vous donner de quoi comprendre quand on parle de vin, et pouvoir en parler vous-même.

Voilà donc une gradation pour chacune des 4 caractéristiques que j’ai évoqué dans cet article :

Acidité : Mou – Frais – Vif – Vert

Sucre : Sec – Demi-sec – Moelleux – Liquoreux (ou doux)

Alcool : Desséché – Léger – Gras – Lourd

Astringence : Désossé – Souple – Charpenté – Âpre

Les mots en bleu désignent les vins qui ne sont pas assez marqués par la sensation en question. Ceux en rouge indiquent ceux qui sont trop marqués.

Vous voilà maintenant fin prêt pour affronter n’importe quelle conversation autour du vin, exprimer ce que vous ressentez et surtout ce que vous aimez ! Ça vous aidera sans aucun doute à cerner les vins que vous préférez et au final mieux les choisir et les déguster.

D’ailleurs, c’est avant tout sur ces saveurs que je me base pour reconnaître mes Jokers de la Dégustation ! L’acidité du riesling ou du sauvignon, l’alcool du viognier, du muscat ou du gewurztraminer, c’est ça mes points de départ quand je déguste.

Et de mon côté, je pense que je vais aller me faire payer un coup à la cave de Joss. Après cet article, il me doit bien ça…

À très bientôt !

Arthur

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Arthur Communal

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  1. D'une rare précision pour un article de la sorte et surtout très didactique. Le langage bien que professionnel est mis à la porté de tout le monde. Une lecture à conseiller à tout les amateurs confirmés ou non de vin. L'approche permet également de mettre en pratique les conseils prodigués . Bravo, J'ai apprécié la lecture.

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